Alors, pangolins, visons ou encore d’autres animaux à fourrure comme le renard. Pourquoi est-ce si important de comprendre l’origine du coronavirus ?
Il faut bien comprendre que le but n’est pas d’invalider les théories complotistes. Ceux qui pensent que Bill Gates est responsable de la pandémie continueront à le penser. Le but n’est pas non plus de trouver des coupables à punir, mais c’est vraiment de comprendre d’où vient l’épidémie, principalement pour pouvoir lutter contre l’émergence des suivantes. Je vais prendre brièvement deux exemples. L’épidémie du HIV, par exemple, a été détectée en 1980. Il y a de très nombreuses hypothèses qui ont été émises à l’époque : on a parlé d’accidents de labos, d’armes biologiques, de campagnes de vaccination en Afrique. En fait, il a fallu plus de 30 ans pour déterminer que le HIV était déjà présent en Afrique, en République démocratique du Congo pour être précis, dans les années 1920-1930, soit bien avant toutes les campagnes de vaccination et toutes les possibilités de manipulation génétique du virus. Et donc, son émergence est vraisemblablement due à une augmentation de la chasse et de la consommation de viande de chimpanzés suite à la construction des grandes métropoles en Afrique. Cette découverte a par exemple bien mis en évidence le lien entre l’envahissement des écosystèmes et l’émergence d’agents pathogènes.
Un deuxième exemple assez court : suite aux épidémies de virus influenza, le virus de la grippe, et surtout de l’épidémie de H1N1 de 2009, on s’est vraiment beaucoup intéressé aux liens entre élevages intensifs et émergence de nouveaux pathogènes. Et si l’origine du H1N1 reste controversée, il est fort probable qu’il ait émergé d’un élevage industriel de porcs américain. Ces deux découvertes ont mené au concept d’une santé, ce qu’on appelle le " One Health " en anglais. Actuellement, c’est le cadre conceptuel de référence des agences de santé. Ce concept lie la santé humaine, la santé animale et l’état des écosystèmes. On ignore toujours comment le SARS-CoV-2 est apparu, s’il provient d’animaux sauvages ou d’animaux d’élevages industriels, mais il est vraiment très important de le savoir, parce que ça va nous permettre de développer des politiques de prévention efficaces, que ce soit en régulant les élevages industriels ou le commerce d’animaux sauvages.
Parce que ce que la crise du Covid a ici bien démontré, c’est qu’on a une capacité de réponse à la pandémie très faible. Même si on dispose, en moins d’une année, d’un vaccin, il va encore nous falloir une bonne année pour sortir de cette crise et elle aura coûté extrêmement cher, économiquement et en vies humaines.
Le but de cette mission d’enquête en Chine de l’OMS, c’est finalement de dire qu’il vaut mieux prévenir que guérir, parce qu’on voit aujourd’hui combien il est difficile de guérir avec l’apparition de nouveaux virus. Ça permettrait d’empêcher l’apparition de nouveaux virus de type Covid-19 ?
Eric Muraille : Tout à fait, oui. Peut-être pas de les empêcher, mais en tout cas déjà de les détecter beaucoup plus rapidement et de les anticiper. C’est déjà un peu ce qu’on fait avec influenza à l’heure actuelle.
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